Éric Vuillard

De Franse schrijver en regisseur Éric Vuillard werd geboren op 4 mei 1968 in Lyon. Het eerste boek van Eric Vuillard, “Le chasseur” (De jager) verscheen in 1999. Vervolgens publiceerde hij de poëziebundel “Bois vert” en de korte roman “Tohu”. In 2010 verscheen zijn roman “Conquistadors”, over de verovering van Peru door Pizarro en de val van het Inca-rijk. Vervolgens verschenen vrijwel tegelijkertijd “La Bataille de l’Occident” (De Slag om het Westen), over de militaire strategie tijdens de Eerste Wereldoorlog en de verschrikkelijke gevolgen daarvan op het slagveld en “Congo”, een documentaire roman over de verdeling van Afrika en de creatie van Kongo-Vrijstaat in 1884. In “Tristesse de la terre” schreef Vuillard over de oprichting en de shows van het circus van Buffalo Bill. In 2016 publiceerde hij “14 juillet” (14 juli) over de bestorming van de Bastille aan het begin van de Franse revolutie. In 2017 ontving Éric Vuillard de Prix Goncourt voor zijn boek “L’ordre du jour” (De orde van de dag). Net als in zijn eerdere documentaire romans gebruikt hij historische documenten om opnieuw het verhaal te vertellen over de Duitse annexatie van Oostenrijk in 1938 en de machinaties die hieraan voorafgingen. De boeken van Éric Vuillard zijn vertaald in het Engels, Duits en Spaans en Nederlands vertaald. Éric Vuillard regisseerde de speelfilm “Mateo Falcone”, een bewerking van een kort verhaal van Prosper Mérimée. De film werd gepresenteerd op het Internationaal filmfestival van Turijn, (Italië) en op het filmfestival Premiers Plans in Angers (Frankrijk). Ook was hij de scenarioschrijver van de film “La vie nouvelle”.

Uit L’Ordre du jour

“À cet instant, peut-être, Hitler sourit. Lorsque les gangsters ou les fous furieux sourient, il est difficile de leur résister ; on veut en finir au plus vite avec la source de ses malheurs, on veut la paix. Et puis, entre deux épisodes de torture morale, un sourire possède sans doute un charme particulier, comme une éclaircie.
(…)

« Ils écoutèrent. Le fond du propos se résumait à ceci : il fallait en finir avec un régime faible, éloigner la menace communiste, supprimer les syndicats et permettre à chaque patron d’être un Führer dans son entreprise. Le discours dura une demi-heure. Lorsqu’Hitler eut terminé, Gustav se leva, fit un pas en avant et, au nom de tous les invités présents, il le remercia d’avoir enfin clarifié la situation politique. Le chancelier fit un rapide tour de piste avant de repartir. On le congratula, on se montra courtois. Les vieux industriels paraissaient soulagés. Une fois qu’il se fut retiré, Goering prit la parole, reformulant énergiquement quelques idées, puis il évoqua de nouveau les élections du 5 mars. C’était là une occasion unique de sortir de l’impasse où l’on se trouvait. Mais pour faire campagne, il fallait de l’argent ; or, le parti nazi n’avait plus un sou vaillant et la campagne électorale approchait. À cet instant, Hjalmar Schacht se leva, sourit à l’assemblée, et lança : « Et maintenant, messieurs, à la caisse ! »
Cette invite, certes un peu cavalière, n’avait rien de bien nouveau pour ces hommes ; ils étaient coutumiers des pots-de-vin et des dessous-de-table. La corruption est un poste incompressible du budget des grandes entreprises, cela porte plusieurs noms, lobbying, étrennes, financement des partis. La majorité des invités versa donc aussitôt quelques centaines de milliers de marks, Gustav Krupp fit don d’un million, Georg von Schnitzler de quatre cent mille, et l’on récolta ainsi une somme rondelette. Cette réunion du 20 février 1933, dans laquelle on pourrait voir un moment unique de l’histoire patronale, une compromission inouïe avec les nazis, n’est rien d’autre pour les Krupp, les Opel, les Siemens, qu’un épisode assez ordinaire de la vie des affaires, une banale levée de fonds. Tous survivront au régime et financeront à l’avenir bien des partis à proportion de leur performance.”

Éric Vuillard (Lyon, 4 mei 1968)