Didier Daeninckx

De Franse schrijver Didier Daeninckx werd geboren in Saint-Denis op 27 april 1949. Zijn moeder was actief in de communistische partij en werkte evenals zijn vader een tijd in de Hotchkiss autofabriek. Na de scheiding van zijn ouders ging Daeninckx bij zijn moeder in Aubervilliers wonen, waar hij zich in 1963 aansloot bij de Jonge Communisten. Hij bezocht de technische school Le Corbusier, maar verliet de school toen hij zestien was. Vanaf 1966 werkte hij eerst in een drukkerij, vervolgens twaalf jaar als cultureel leider en tenslotte als lokaal journalist. Het was tijdens een periode van werkloosheid in 1977 dat hij zijn eerste roman schreef: “Mort au premier tour”, waarin men het neurotische karakter van inspecteur Cadin ziet opduiken. Het boek werd eerst door tien uitgevers geweigerd en werd uiteindelijk pas gepubliceerd in 1982 door Éditions du Masque, maar bleef toen volledig onopgemerkt. De tweede roman “Meurtres pour mémoire” (1984) verscheen in de Série noire opende de deuren van de roem. Daeninckx stelt in zijn oeuvre bepaalde onderwerpen aan de kaak en neemt een duidelijk standpunt in. Hij richt zich met name op politieke en sociale zaken. Dat gaat zowel om dossiers uit het heden als vergeten gebeurtenissen uit het verleden, zoals het Algerijnse bloedbad in Parijs op 17 oktober 1961 in “Meurtres pour mémoire”. Didier Daeninckx gebruikt hiervoor vaak detectiveromans, waarbij hij de sociale realiteit duidelijk naar voren laat komen.

Uit: Meurtres pour mémoire

Elle ne pouvait quitter des yeux cet être effroyable qui allait la tuer. La main s’abattit brusquement mais Saïd, au prix d’un effort terrible se porta devant elle, la protégeant de son corps. La brutalité du choc les renversa tous deux. Le policier n’en continuait pas moins de frapper Saïd. Il finit par se lasser. Kaïrat craignait de faire le moindre geste pouvant laisser croire à leur agresseur qu’elle vivait encore. Saïd, au-dessus, faisait de même, pensait-elle, jusqu’à l’instant où elle identifia le liquide poisseux et acre qui s’étalait sur son manteau. Sa peur était douce en comparaison de l’immense douleur qui s’empara des moindres atomes de son être. Elle releva le cadavre de son ami en hurlant.
– Assassins ! Assassins !
Deux policiers s’emparèrent d’elle, la dirigèrent vets un des autobus de la R.A.T.P. réquisitionnés pour assurer le transfert des manifestants appréhendés, vers le Palais des Sports et le Parc des Expositions de la Porte de Versailles.
Seul Lounès était indemne, il tentait de disperser la foule dans les petites rues qui jalonnent les boulevards. De nombreux passants prêtaient main-forte aux C.R.S. et leur désignaient les porches, les recoins où se cachaient des hommes, des femmes rendues stupides par l’horreur.
Il était près de huit heures. Sur les quais situés en contrebas du pont de Neuilly, deux immenses colonnes formées par les habitants des bidonvilles de Nanterre, Argenteuil, Bezons, Courbcvoie, se mirent en mouvement. Des responsables du F.L.N. les encadraient et canalisaient les groupes qui ne cessaient de se joindre a eux. Ils étaient au moins six mille ; les quatre voies du pont ne semblaient pas assez larges pour assurer l’écoulement du cortège. Ils dépassèrent la pointe de l’Ile de Puteaux, sous leurs pieds, et pénétrèrent dans Neuilly. Pas un ne portait d’arme, le moindre couteau, la plus petite piètre dans la poche. Kémal et ses hommes contrôlaient les individus suspects; ils avaient expulsé une demi-douzaine de gars qui rêvaient d’en découdre. Le but de la démonstration était clair: obtenir la levée du couvre-feu imposé depuis une semaine aux seuls Français musulmans et du même coup prouver la représentativité du F.L.N. en métropole.
La voie était libre ; ils purent distinguer, au loin, l’Arc de Triomphe illuminé à l’occasion de la visite officielle du Shah d’Iran et de Farah Dibah. Comme à leur habitude, les femmes prirent la tête. On voyait même des landaus entourés d’enfants. Qui pouvait se douter que trois cents mètres plus bas. masqués par la nuit, les attendait une escouade de Gendarmes Mobiles épaulée par une centaine de Harkis. À cinquante mètres, sans sommations, les mitraillettes lâchèrent leur pluie de balles. Omar, un jeune garçon de quinze ans, tomba le premier. La fusillade se poursuivit trois quarts d’heure.”

 
Didier Daeninckx (Saint-Denis, 27 april 1949)