De Franse schrijver François Mauriac werd op 11 oktober 1885 geboren in Bordeaux. Zie ook mijn blog van 12 oktober 2006.
Uit: Mozart et autres écrits sur la musique
“Cette année, à Aix, la main de marbre du Commandeur n’étreindra pas la main souillée de Don Juan. C’est que les affaires de ce monde vont moins mal et que L’Enlèvement au sérail, Le Mariage secret conviennent mieux aux plaisirs d’une société à qui Dieu accorde quelque rémission. L’an dernier, sous les platanes du cours Mirabeau, à la terrasse des Deux garçons, nous faisions les raisonneurs : le mauvais coup de la Corée signifiait que Staline était résolu à courir tous les risques ; il n’était pas si sot que de tirer l’adversaire de son assoupissement, s’il ne détenait les moyens de l’abattre. Nous nous trompions, parce que nous raisonnions. Nous n’imaginions même pas que le maître du Kremlin pût croire que les réactions du jeune géant américain seraient aussi lentes qu’avaient été, du temps de Hitler, celles des vieilles démocraties sclérosées.
Une année est passée. Des milliers d’innocents ont péri en Corée, dans les villages et sur les routes. La souffrance des enfants, qui fait défaillir la pensée devant le mystère du mal, a été multipliée à l’infini. Peut-être la grâce va-t-elle être accordée à ceux qui ont survécu de revenir là où s’élevait leur maison autrefois et de chercher parmi la poussière et la cendre quelques restes de leur modeste bonheur anéanti. Et des Français continuent de mourir en Indochine. Et nous, dans ces nuits radieuses, au château de Lourmarin ou au château du Tholonet nous sommes redevenus libres d’admirer que les grenouilles ne troublent en rien le chant de Scarlatti ni celui de Vivaldi et que leurs coassements s’y unissent et s’y fondenT. Autour du Collegium musicum italicum de Rome et de Renato Fasano, la nuit d’été se recueille. Parfois les feuillages profonds des platanes s’émeuvent et le souffle frais qui caresse nos visages soulève dangereusement les partitions sur les pupitres. Et puis tout s’apaise et la lune elle-même écoute derrière les branches.”
François Mauriac (11 oktober 1885 – 1 september 1970)