De Franse schrijfster Alice Zeniter werd geboren op 7 september 1986 in Clamart, département Hauts-de-Seine, als dochter van een Algerijnse vader en een Franse moeder. Zij groeide op in Champfleur en genoot een deel van haar schoolopleiding in Alençon. Zij publiceerde haar eerste roman “Deux moins une zéro zéro” al in 2003 op 16-jarige leeftijd. In 2006 begon zij te studeren aan de École normale supérieure. Sinds 2013 doceert ze aan de Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle.Ook doceerde zij Frans in Hongarije, waar ze meerdere jaren woonde en bij het theater werkte als assistente van Árpád Schilling voor Krétakör. In deze tijd begon ze, geïnspireerd door thema’s als zelfmoord, Donau, Attila József en 1956 met het schrijven van haar tweede roman, die uiteindelijk werd gepubliceerd in 2010 onder de titel “Jusque dans nos bras”. In 2013 ontving zij voor haar derde roman, “Sombre Dimanche”, verschillende Franse literaire prijzen. Het verhaal speelt zich af in Boedapest en gaat over de jonge liefde tussen de Hongaarse Imre en de Duitse Kerstin. Zeniter kreeg vervolgens de Prix Renaudot des lycéens voor haar vierde roman, “Juste avant l’oubli”. Haar laatste roman, “L’Art de perdre”, verscheen in 2017 en ook hiervoor werden haar talloze literaire prijzen toegekend, waaronder de Prix Goncourt des lycéens.
Uit: L’art de perdre
“Depuis quelques années, Naïma expérimente un nouveau type de détresse : celui qui vient désormais de façon systématique avec les gueules de bois. Il ne s’agit pas simplement d’un mal de crâne, d’une bouche pâteuse ou d’un ventre tordu et inopérant. Lorsqu’elle ouvre les yeux après une soirée trop arrosée (elle a dû les espacer davantage, elle ne pouvait pas supporter qu’il s’agisse d’une misère hebdomadaire, encore moins bihebdomadaire), la première phrase qui lui vient à l’esprit est :
Je ne vais pas y arriver.
Pendant quelque temps, elle s’est demandé à quoi se rapportait cet échec certain. La phrase pouvait évoquer son incapacité à supporter la honte que lui procure chaque fois son comportement de la veille (tu parles trop fort, tu inventes des histoires, tu recherches systématiquement l’attention, tu es vulgaire), ou le regret d’avoir tant bu et de ne pas savoir s’arrêter (c’est toi qui as crié : « Allez, là, oh, on ne va pas rentrer se coucher comme ça ! »). La phrase pouvait aussi se rattacher au mal-être physique qui la broie… Et puis elle a compris.
Pendant les journées de gueule de bois, elle touche du doigt l’extrême difficulté que représente être vivant et que la volonté réussit d’ordinaire à masquer.
Je ne vais pas y arriver.
Globalement. À me lever chaque matin. À manger trois fois par jour. À aimer. À ne plus aimer. À me brosser les cheveux. À penser. À bouger. À respirer. À rire.
Il arrive qu’elle ne puisse pas le cacher et que l’aveu lui échappe lorsqu’elle entre dans la galerie.
— Comment tu te sens ?
— Je ne vais pas y arriver.
Kamel et Élise rient ou haussent les épaules. Ils ne comprennent pas. Naïma les regarde évoluer dans la salle d’exposition avec une gestuelle à peine ralentie par les excès de la veille, épargnés par cette révélation qui l’écrase : la vie quotidienne est une discipline de haut niveau et elle vient de se disqualifier.
Comme elle n’arrive à rien, il faut que les journées de gueule de bois soient vides de tout. Des bonnes choses qui ne pourraient que s’y gâcher et des mauvaises qui ne rencontreraient aucune résistance et détruiraient tout à l’intérieur.
La seule chose que les journées de gueule de bois tolèrent, ce sont des assiettes de pâtes avec un peu de beurre et de sel : des quantités rassurantes et un goût neutre, presque inexistant.”
Alice Zeniter (Clamart, 7 september 1986)