Olivier Rolin

De Franse schrijver Olivier Rolin werd geboren in Boulogne-Billancourt op 17 mei 1947. Rolin bracht zijn kinderjaren door in Senegal. Hij studeerde in Parijs aan het lycée Louis-le-Grand en de École normale supérieure, waar hij de opleiding wijsbegeerte en letteren volgde. Hij trad toe tot de maoïstische Gauche prolétarienne. Uit deze periode putte hij inspiratie voor zijn romans “Phénomène Futur” en “Tigre en papier”. Hij schreef als freelancejournalist voor de bladen Libération en Le Nouvel Observateur. In 1994 kreeg hij de Prix Femina voor « Port-Soudan » en in 2003 de Prix France Culture voor « Tigre en papier ». « Un chasseur de lions » stond in 2008 op de shortlists voor de Prix Goncourt, Prix Renaudot, Prix Medicis en de Prix de l’Académie française. In zijn werk verweeft Olivier Rolin fictie en realiteit, literatuur en geschiedenis. Aan de hand van het heden probeert hij niet alleen zijn persoonlijke verleden te reconstrueren, maar brengt hij ook episodes uit de nationale en koloniale geschiedenis van Frankrijk tot leven. Subtiele of openlijke intertekstuele verwijzingen vormen de rode draad in zijn boeken, een hommage aan door hem bewonderde auteurs (Guillaume Apollinaire, Borges, Joyce, Lowry, Mallarmé, Proust, Rimbaud, Verlaine). Deze techniek werd het verst doorgedreven in “Suite à l’hôtel Crystal” (Suite in het Crystal), waar alle avonturen zich in minutieus beschreven hotelkamers afspelen, naar een niet-gerealiseerd project van Georges Perec, en in “L’Invention du monde” (De uitvinding van de wereld), Rolins beschrijving van een dag uit het leven van de mensheid (21 maart 1989), waarvoor hij het materiaal putte uit meer dan vijfhonderd kranten uit de hele wereld en ordende in 48 hoofdstukken, waarbij elk hoofdstuk overeenstemt met een tijdzone op aarde en een pastiche vormt van een wereldomvattend boek uit de literatuurgeschiedenis.

Uit: L’invention du monde

« Ainsi, au pied des colonnes d’Hercule, à Gibraltar – j’aurais peine à la croire si on me le racontait, mais je le vois de mes yeux – un officier de la Royal Navy sort à quatre pattes du London Tavern ! Oui, à quatre pattes, au sens strict, il dévale la rue nocturne sur les genoux et les paumes, à assez bonne allure ma foi, braillant la chanson des sept nains : « Hi-ho, hi-ho, it’s off to work we go » Mais ce n’est pas du tout au boulot qu’il se rend, parce que son boulot c’est de commander le sous-marin nucléaire d’attaque HMS Winston Churchill, qui l’attend pour appareiller dans un alvéole de la base : et en la circonstance le maître des torpilles atomiques est absolument incapable de distinguer le kiosque noir d’un sous-marin d’une écarlate cabine téléphonique. Son ordonnance le suit, debout mi-consterné mi-amusé, portant sa casquette et sa cravate, fredonnant quant à lui, c’est inévitable, « We all live in a yellow submarine », ce qui à tout prendre, et même si cet air n’est pas au répertoire des musiques de la flotte, et même si le Churchill n’est pas jaune, mais rouge vif (seul le cor de chasse peint sur les ailerons est bouton d’or), correspond mieux à son état. Le Commander s’est maintenant redressé, on ne saurait dire cependant qu’il a fait surface, c’est plutôt en immersion périscopique qu’il pénètre dans un premier restaurant où le waiter hésite à lui servir un, puis deux verres de bordeaux, mais après tout son métier à lui n’est pas de patrouiller sous l’eau mais de verser du vin à qui en demande, et si tout le monde faisait scrupuleusement son boulot – nains, barmen, officiers de marine et tous les foutus autres -, les affaires du monde, et notamment celles du Royaume-Uni, s’en porteraient mieux, c’est en tout cas son avis. Bordeaux, sir ? Oui, j’ai dit oui, je veux bien oui. Ce sera donc deux verres, et puis deux autres encore un peu plus loin, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’ambulance du Royal Naval Hospital jette les éclats bleus de son gyrophare sur les façades hispano-cottages tandis qu’une longue forme en fourreau noir, aux lèvres blanches fumant des Winston, portant à l’oreille gauche un rubis et à la droite une émeraude, glisse sur l’eau moirée des bassins. Accoudé en veste fourrée à la baignoire, jumelles infra-rouge sur la poitrine, le second attend que soient passés les derniers feux du port pour laisser paraître sur son visage que gerce le vent un fin, satisfait et sarcastique sourire : en temps de paix, les commandements sont rares dans la Navy, et ce vieux cochon ne se relèvera de son coma éthylique que pour passer en Cour martiale. »

 
Olivier Rolin (Boulogne-Billancourt, 17 mei 1947)

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