De Catalaanse schrijver Juan Marsé werd geboren op 8 januari 1933 in Barcelona. Zie ook alle tags voor Juan Marsé op mijn blog.
Uit: L’amant bilingue (Vertaald door Jean-Marie Saint-Lu)
“Le châssis rouillé de la Lincoln Continental 1941, sans roues ni moteur, gît au milieu du terrain vague, entouré d’herbes hautes que peigne le vent. C’est le squelette calciné d’un rêve. Personne dans le quartier ne se rappelle comment ni quand la fantastique automobile est arrivée jusque sur ces hauteurs, qui l’a abandonnée sur cette petite colline au nord-ouest de la ville, la condamnant ainsi à mourir à l’état de ferraille. Elle est toujours échouée dans ma mémoire au milieu d’une mer d’herbe et de boue noire, et entourée de tout un tas de choses mortes : des morceaux de poêles en fer, un fauteuil défoncé, des enfants au crâne tondu qui fument à croupetons, des piles de vieux pneus, ma mère, ivre, qui marche contre le vent, des sommiers oxydés et des petits matelas crasseux et tout déchirés.
J’écris ici ces souvenirs pour qu’ils soient sauvés de l’oubli. Ma vie a été une vraie merde, mais je n’en ai pas d’autre.
J’habite avec ma mère en haut de la rue Verdi, dans un vieux pavillon délabré avec un jardin, sur un versant contigu au parc Güell. Je vois la rue en pente, estompée par la bruine, comme un merveilleux toboggan au-dessus de la ville. Au coin; on peut voir la figure d’un jeune garçon, masquée d’un loup noir. C’est moi, douze ans, crâne tondu, brassard de deuil. L’enfant masqué regarde d’un côté et de l’autre, furtivement, puis traverse la rue. Je revois le quartier gris et apeuré, les chats faméliques, les petites terrasses, les draps blancs que fouette le vent. Au coin de l’autre rue, je rejoins trois garçons, Faneca, David et Jaime. Faneca mange une patate cuite, il a été faire une course pour madame Lola et il est passé par la cuisine de la pension Ynès, il y récupère toujours quelque chose à manger. Les rues sont si raides qu’elles ont des marches.
Mon quartier est si haut, si près des nuages, que la pluies’y arrête avant de tomber.”
Juan Marsé (Barcelona, 8 januari 1933)