In Memoriam Benoîte Groult

In Memoriam Benoîte Groult
 

De Franse feministische schrijfster Benoîte Groult is gisteren op 96-jarige leeftijd overleden. Dat heeft haar familie bekendgemaakt. Benoîte Groult werd geboren op 31 januari 1920 in Parijs. Zie ook alle tags voor Benoîte Groult op dit blog.

Uit: Mon évasion

« Ce ne serait sans doute pas inintéressant de le savoir et c’est indispensable pour les psychanalystes face à des patients qui souffrent de leur enfance comme d’une plaie qui ne veut pas se refermer. Autrefois on se passait très bien d’enfance. Elle n’occupait pas la place primordiale dans une exis-tence.
Elle n’occupera pas non plus une place primor-diale dans ce livre. Car je n’ai aucun procès à ins-truire, aucune rancune à assouvir, aucune excuse à invoquer pour expliquer que je n’aie pas été une surdouée ou un de ces cancres magnifiques que tant d’écrivains se vantent d’avoir été. L’éducation qu’on me donnait, en revanche, les personnes qui me la dis-pensaient jettent un éclairage indispensable pour comprendre comment je suis devenue cette adoles-cente timorée et incapable d’exploiter ses dons, alors que tant de fées s’étaient penchées sur mon berceau.
J’étais une gentille petite fille avec de très grands yeux bleus un peu fixes, une frange de cheveux châ-tains bien raides et une bouche trop charnue pour l’époque et que je laissais souvent ouverte, ce qui me donnait un air débile qui désolait ma mère. Comme elle n’était pas femme à se désoler mais à agir, afin de me rappeler de mimer cette bouche en cœur qui était à la mode pour les filles dans les années 30, elle me soufflait en public, dans un chuchotement que je jugeais tonitruant : « Pomme, Prune, Pouce, Rosie ! »
Je ne lui ai jamais répondu « Zut Maman ! ». Je devais bien être débile quelque part… Docile, je ras-semblais mes deux lèvres pour qu’elles ressemblent à celles de ma sœur qui étaient parfaites. Comme tout le reste de son être aux yeux de ma mère. Ah ! se dit le psy, l’air connu de la jalousie !
Eh bien non, même pas. J’aimais ma petite sœur, de quatre ans ma cadette et, en tout cas, je ne l’ai jamais haïe. Je l’ai à peine torturée, de bonnes grosses bri-mades bien innocentes. Après tout, je n’avais jamais prétendu adorer ma mère comme elle. Il est donc normal que maman préférât le genre de beauté de Flora et l’attachement passionné qu’elle lui a d’ail-leurs voué toute sa vie.”

Benoîte Groult (31 januari 1920 – 20 juni 2016)