Jean Genet, Italo Svevo, José Lezama Lima, Michel Tournier

De Franse schrijver Jean Genet werd geboren op 19 december 1910 in Parijs. Zie ook mijn blog van 19 december 2006.

Uit: Pompes funèbres

“…Le temps d’un battement de paupières et tout était pourtant dans l’ordre terrestre, sauf qu’il me restait cette sorte d’affaissement qui succède à l’acte d’amour, une grande tristesse, et le dépaysement dans mon propre pays.
Je sors d’un rêve que je ne puis rapporter.
Un rêve ne peut être fixé. Il s’écoule et chacune de ses images constamment se transforme puisqu’il n’existe que dans le temps et non dans l’espace. Puis l’oubli, la confusion… mais ce que je peux dire, c’est l’impression qu’il m’a fait.
A mon réveil, je savais que je sortais d’un rêve où j’avais commis le mal (je ne sais par quelle action : meurtre, vol ?) mais j’avais commis le mal, et j’éprouvais le sentiment de connaître la profondeur de la vie. Quelque chose comme si le monde avait une surface sur laquelle nous glissons (le bien) et une épaisseur où l’on ne s’enfonce que rarement, plus rarement qu’on ne croit (je note tout de suite qu’il s’agissait ainsi en rêve d’un séjour en prison).
Je crois que ce rejet du monde par le monde peut donner une humilité ou un orgueil, ou vous obliger à rechercher de nouvelles règles de vie, que ce nouvel univers vous permette de voir l’autre monde.
Il serait difficile d’expliquer pourquoi dans la cour de cette prison passait le cortège funèbre de tous les rois de la Terre. Ce n’est pourtant pas l’instant d’être imprécis. En réalité chaque roi, chaque reine, chaque prince royal, vêtu d’un manteau de cour de velours noir à traîne et coiffé de la couronne d’or fermée, voilée de crèpe le plus souvent, menait le deuil de tous les autres rois. Déjà étaient passés devant elle presque tous les rois du monde—ce qui veut dire d’Europe, quand la bonne vit s’avancer un carosse doré traîné par des chevaux blancs vêtus de deuil. Une reine y était assise, le sceptre au poing et le poing aux genoux. Elle était morte. A pied, une autre reine suivait, dont le visage était voilé. On ne pouvait les reconnaître. On savait que c’était des rois, des reines et des princes à leur couronne et à la raideur un peu timide de leur marche.
Malgré la dignité et l’éloignement forcé auxquels les oblige la vie, ces monarques parurent très près de la boniche qui les regardait défiler, avec étonnement, mais sans plus de crainte ni d’émerveillement qu’elle n’eût regardé passer une bande d’oies conduites par le jars. Ce cortège donnait vraiment l’impression de la richesse, les bijoux de deuil y étaient avec profusion, sauf qu’il n’y avait pas une fleur, un feuillage, si ce n’est brodés d’argent sur noir. La reine d’Espagne, reconnue grâce à son éventail, pleura beaucoup. Le roi de Roumanie était maigre, presque sans chair, et blanc. Tous les princes allemands le suivaient.
Et chacun, dans ce cortège, était seul, pris, capturé dans un bloc de solitude d’où il ne pouvait rien voir que lui-même et l’exceptionnelle magnificence- non d’un destin – mais de la trace de ce destin qu’il continuait. Leur solitude enfin, et leur indifférence permettaient à la bonne d’être maîtresse d’elle-même en face de ces personnages hautains. Elle les regarda comme sa patronne regardait le samedi de son balcon passer les noces.
Je suis soudain seul parce que le ciel est bleu, les arbres verts, la rue calme, et qu’un chien marche aussi seul que moi, devant moi. J’avance lentement, mais fortement. Je crois qu’il fait nuit. Ces paysages que je découvre, ces maisons avec leurs réclames, les affiches, les vitrines au milieu de quoi je passe en souverain sont de la même substance que les personnages de ce livre, que les visions que je découvre quand ma bouche et ma langue sont occupées dans les poils d’un oeil de bronze où je crois reconnaître un rappel des goûts de mon enfance pour les tunnels. J’encule le monde..”

JeanGenet

Jean Genet (19 december 1910 – 15 april 1986)

 

De Italiaanse schrijver Italo Svevo (pseudoniem van Aron Hector Schmitz) werd geboren op 19 december 1861 in Triëst. Zie ook mijn blog van 19 december 2006.

Uit: Zeno’s Conscience

 

Review my childhood? More than a half-century stretches between that time and me, but my farsighted eyes could perhaps perceive it if the light still glowing there were not blocked by obstacles of every sort, outright mountain peaks: all my years and some of my hours.

The doctor has urged me not to insist stubbornly on trying to see all that far back. Recent things can also be valuable, and especially fantasies and last night’s dreams. But there should be at least some kind of order, and to help me begin ab ovo, the moment I left the doctor, who is going out of town shortly and will be absent from Trieste for some time, I bought and read a treatise on psychoanalysis, just to make his task easier. It’s not hard to understand, but it’s very boring.

Now, having dined, comfortably lying in my overstuffed lounge chair, I am holding a pencil and a piece of paper. My brow is unfurrowed because I have dismissed all concern from my mind. My thinking seems something separate from me. I can see it. It rises and falls… but that is its only activity. To remind it that it is my thinking and that its duty is to make itself evident, I grasp the pencil. Now my brow does wrinkle because each word is made up of so many letters and the imperious present looms up and blots out the past.

Yesterday I tried to achieve maximum relaxation. The experiment ended in deepest sleep, and its only effect on me was a great repose and the curious sensation of having seen, during that sleep, something important. But it was forgotten by then, lost forever.”

 

svevo

Italo Svevo (19 december 1861 – 13 september 1928)

 

Zie voor onderstaande schrijvers ook mijn blog van 19 december 2006.

De Cubaanse auteur José Lezama Lima werd geboren op 19 december 1910 in Havanna.

De Franse schrijver Michel Tournier werd geboren op 19 december 1924 in Parijs.