Yves Bonnefoy werd in Tours geboren op 24 juni 1923. Zijn eerste belangrijke werk Mouvement et de l’immobilité de Douve verscheen in 1953. Bonnefoy schreef studies over Nerval, Baudelaire en Rimbaud, maar ook over Shakespeare en Leopardi en over schilders uit de Renaissance en de Barok. Hij schreef bovendien over Delacroix en Giacometti, en dan zijn nog niet genoemd de vele hedendaagse kunstenaars met wie hij samen geïllustreerde edities van zijn werk publiceerde. Bonnefoy vertaalde een aantal dichters waaronder Keats, Donne, Leopardi en bovenal Shakespeare, waarvan hij een dozijn toneelstukken in het Frans vertaalde, waarbij elke vertaling begeleid werd door een kritische studie. Ook is hij uitgever van de Dictionnaire des mythologies (1981). In 1981 werd hij ook in het Collège de France gekozen.
Ô poésie,
Je ne puis m’empêcher de te nommer
Par ton nom que l’on n’aime plus parmi ceux qui errent
aujourd’hui dans les ruines de la parole.
Je prends le risque de m’adresser à toi, directement,
Comme dans l’éloquence des époques
Où l’on plaçait, la veille des jours de fête,
Au plus haut des colonnes des grandes salles,
des guirlandes de feuilles et de fruits.
Je le fais, confiant que la mémoire,
enseignant ses mots simples à ceux qui cherchent
à faire être le sens malgré l’énigme,
Leur fera déchiffrer, sur ses grandes pages,
Ton nom un et multiple, où brûleront
en silence, un feu clair,
Les sarments de leurs doutes et de leurs peurs.
La maison natale
I
Je m’éveillai, c’était la maison natale,
L’écume s’abattait sur le rocher,
Pas un oiseau, le vent seul à ouvrir et fermer la vague,
L’odeur de l’horizon de toutes parts,
Cendre, comme si les collines cachaient un feu
Qui ailleurs consumait un univers.
Je passai dans la véranda, la table était mise,
L’eau frappait les pieds de la table, le buffet.
Il fallait qu’elle entrât pourtant, la sans-visage
Que je savais qui secouait la porte
Du couloir, du côté de l’escalier sombre, mais en vain,
Si haute était déjà l’eau dans la salle.
Je tournais la poignée, qui résistait,
J’entendais presque les rumeurs de l’autre rive,
Ces rires des enfants dans l’herbe haute,
Ces jeux des autres, à jamais les autres, dans leur joie.
II
Je m’éveillai, c’était la maison natale.
Il pleuvait doucement dans toutes les salles,
J’allais d’une à une autre, regardant
L’eau qui étincelait sur les miroirs
Amoncelés partout, certains brisés ou même
Poussés entre des meubles et les murs.
C’était de ces reflets que, parfois, un visage
Se dégageait, riant, d’une douceur
De plus et autrement que ce qu’est le monde.
Et je touchais, hésitant, dans l’image
Les mèches désordonnées de la déesse,
Je découvrais sous le voile de l’eau
Son front triste et distrait de petite fille.
Étonnement entre être et ne pas être,
Main qui hésite à toucher la buée,
Puis j’écoutais le rire s’éloigner
Dans les couloirs de la maison déserte.
Ici rien qu’à jamais le bien du rêve,
La main tendue qui ne traverse pas
L’eau rapide, où s’efface le souvenir.
© 2001, Yves Bonnefoy
Uit : Les planches courbes, 2001
Mercure de France, Paris