Hafid Aggoune, Dirk von Petersdorff

De Franse schrijver Hafid Aggoune werd geboren op 17 maart 1973 in Saint-Etienne. Zie ook alle tags voor Hafid Aggoune op dit blog.

Uit: Et la colère monta dans un ciel rouge et noir

« Henrique Da Silva poussa le moteur de sa Monza comme jamais il ne l’avait fait. Le soleil lui faisait face et ne touchait plus l’horizon. La Chevrolet qu’il s’était offerte pour fêter le quatrième titre national du C.R. Flamengo, il y a vingt ans, continuait sa course aveugle à toute allure, sans défaillir. Sur le siège passager, les livres et un Beretta étaient maculés de sang. Les amortisseurs étaient mis à rude épreuve. Chaque virage donnait lieu à un dérapage qui aurait plu à son fils Luiz. Agité par l’adrénaline, Henrique était persuadé d’avoir fait les bons choix.
Quelques heures avant, celui que l’on surnommait depuis son adolescence « Le Professeur » avait attrapé le sac de sport de son fils Luiz, celui aux couleurs de Flamengo, ouvert le cadenas du tiroir de son bureau pour en extirper le 9 mm et une liasse de billets — toutes ses économies à vrai dire. Mais avant de jeter le tout au fond du sac, il découvrit le maillot du dernier match de Luiz, pas lavé, avec sa sueur, son odeur, traces qu’il ne pourrait plus effacer, celle d’une vie où son petit pouvait encore courir, heureux, plein de vie et de vitesse, aussi rapide avec et sans le ballon aux pieds. Henrique dut lutter pour contenir ses larmes, ce qui le rendit plus déterminé que jamais et crispa davantage une mâchoire carnassière que ses nerfs ne desserraient plus.

Après avoir quitté le parking de l’école et jeté le sac dans le coffre de sa voiture, Le Professeur repensa aux sermons de son épouse à propos de la faible puissance des phares. La nuit allait tomber sans prévenir et la vieille Chevrolet faisait regretter de ne pas avoir pris au sérieux les remarques d’Isabella toutes ces années. Il conduisait prudemment, ce n’était pas le moment de sortir de la route ou de se perdre. Au bout du fil, l’homme avait été clair : détruire et jeter le téléphone avec lequel il l’avait contacté, être à l’heure et seul.
Il fila dans une nuit sans lune et arriva les yeux fatigués à cause des maudits phares défaillants. La baraque, située au nord, en lisière de forêt, était perdue au milieu des vapeurs d’humidité et semblait déserte. Il laissa volontairement la Chevrolet dans une impasse, loin de l’entrée. Il descendit de la voiture et prit l’arme du coffre. »

 

Hafid Aggoune (Saint-Etienne, 17 maart 1973)

 

De Duitse dichter, schrijver en literatuurwetenschapper Dirk von Petersdorff werd geboren op 16 maart 1966 in Kiel. Zie ook alle tags voor Dirk von Petersdorff op dit blog.

 

Rokershoek

Jullie lange latten, waar zijn jullie? Ik heb
zelfs jullie nummers niet meer.
Is er iets beters dan in de ochtend
een groep,
dicht bij elkaar,
rillend van de kou;
Ik denk dat we het bijna altijd koud hadden.
Toen zei niemand een woord teveel
maar stond met zijn rug naar de wereld,
in mantels uit stof,
jullie scharminkels.
Alleen de omwolkte blik

ziet diep, kent zijn lot,
het droevige kloppen
van verre heuvels,
ziet zich blij verschrikt
aan de dolgelukkige boezem ontwaken.
Zoals jullie de rook
konden uitstoten,
jullie edele zielen, ach,
alles was goed toen ik samen met jullie
de dag rood zag worden, om kwart voor acht.

 

Vertaald door Frans Roumen

 

Dirk von Petersdorff (Kiel, 16 maart 1966)

 

Zie voor nog meer schrijvers van de 17e maart ook mijn blog van 17 maart 2020 en eveneens mijn blog van 17 maart 2019 en ook mijn blog van 17 maart 2018 deel 1 en ook deel 2.

Hafid Aggoune, Kurt Drawert

De Franse schrijver Hafid Aggoune werd geboren op 17 maart 1973 in Saint-Etienne. Zie ook alle tags voor Hafid Aggoune op dit blog.

Uit: Premières heures au paradis 

“Mme Mila était heureuse de me revoir et d’apprendre que je vivais de mon métier d’acteur, même si tout n’était pas encore comme je voulais et qu’aucun rôle ne me don-nait le droit de dire que je faisais du cinéma. Elle disait que ce n’était pas grave, que jouer dans des publicités pouvait être un excellent apprentissage, et que surtout ce qui comptait c’était de travailler, même dans des séries, comme les acteurs américains. Elle disait qu’un jour les Français compren-draient. Et elle savait de quoi elle parlait : toute sa vie son mari avait préparé les décors, jusqu’à sa mort, tué sur le coup par un projecteur en plein tournage.
En l’écoutant, je n’ai pas manqué de voir dans son regard l’inquiétude que provoquait mon retour.
J’aurais aimé avoir une grand-mère comme Suzanne Mila. Elle était toujours aussi gentille. Elle me voyait tous les jours à la télévision. Elle disait que je donnais l’impres-sion d’être un autre à chaque fois. Et quand j’ai parlé de la chambre, elle ne m’a pas demandé pourquoi je souhaitais la reprendre. Suzanne est comme ça, généreuse, rien d’une concierge indiscrète, ne posant jamais les questions qui font de la peine, vous laissant venir comme un animal blessé qu’il ne faut pas effaroucher et qui finit par ne plus trembler.
Tu l’imagines, souriante et aimable, seule, la télé tou-jours allumée sur la seule chaîne que son vieux poste arrive à capter.
Du temps où j’étais le garçon au pair des Mila, Suzanne voyait son petit-fils tous les mercredis après l’entraînement de foot et tous les samedis après le match. Devenu adoles-cent, Aurélien ne venait voir sa grand-mère qu’une ou deux fois par mois, pour l’argent de poche et un goûter à la va-vite avant de dévaler les escaliers.
Tu remarqueras que je n’aime pas les chiffres.
Je tiens ça de toi.
Dans tes romans, tu écris toujours les chiffres en toutes lettres, comme une revanche sur ces heures de cours de mathématiques où le temps semblait arrêté et où l’ennui te poussait de minute en minute dans un état intermédiaire entre l’assoupissement avachi et le désir de crier en cla-quant la porte sur ce charabia abscons.
Après cinq ans et cinq de tes romans, je renouais avec la vie de célibataire, les sandwichs du midi et les mauvais dîners à cuisson rapide, seul dans un espace minuscule et perdu dans un gigantesque labyrinthe mental.
Après quelques jours d’isolement, j’ai repris les sorties nocturnes, celles pour se sentir moins seul, entouré d’ombres inconnues, enfumé jusqu’aux os.
Pour la première fois en cinq ans, septembre allait finir sans que j’aille faire le tour des librairies avec toi, pour le simple plaisir de voir à répétition le roman de Lucille Eden sur les tables.”

 

Hafid Aggoune (Saint-Etienne, 17 maart 1973)

 

De Duitse dichter en schrijver Kurt Drawert werd geboren op 15 maart 1956 in Henningsdorf. Zie ook alle tags voor Kurt Drawert op dit blog.

 

JUST NOW, 99 AAN HET EINDE

De elektronische dagen kunnen nu maar beter verbranden,
wat ooit geschiedenis genoemd werd
en tot slot rondslingerde als bevroren uitwerpselen
van honden. Voorbij zijn de afvalproblemen,

de gedwongen ontslagen, de overuren
van de vuilnisophaaldienst. Nu wordt het allemaal heel anders
geregeld doordat niet meer voorkomt,
wat vuil maakt. Eén klik naar de volgende

internet-buurman, dan een paar links
richting het lichaam en alles blijft schoon
en onaangeroerd in de kritieke zone
tussen heup en knie. Als Lenin dat eens wist

zoveel vooruitgangsmassa in het algemeen.
Ook hij zoiets als overblijfsel,
niet gemakkelijk in een comic te krijgen,
reactionair langs de gehele mislukte linie.

Maar genoeg daarover, deze jeugd
in het huilende oog van God werd toch overleefd,
bijna zonder schade, weggehangen van mijn kant,
zoals gerookte varkensbillen.

Maar aan de andere kant zijn de oorlogen ernstiger geworden,
harder, voor de bankenbalies,
moet ik zeggen. Een blik op het bankafschrift,
en ik weet dat ik kopje onder leef. Dan de brieven,

die al beginnen te stinken, vanaf de voetnoten
omhoog en niet erg virtueel, helaas.

 

Vertaald door Frans Roumen

 

Kurt Drawert (Henningsdorf, 15 maart 1956)

 

Zie voor nog meer schrijvers van de 17e maart ook mijn blog van 17 maart 2020 en eveneens mijn blog van 17 maart 2019 en ook mijn blog van 17 maart 2018 deel 1 en ook deel 2.

Uwe Kolbe, Siegfried Lenz, Thomas Melle, Rense Sinkgraven, Hafid Aggoune, Marco Kamphuis, Nic van Bruggen

 

Dolce far niente

 


De terugkeer van de verloren zoon door Guercino, 1651

 

Vater und Sohn

Ein einziges Abstandhalten
und Beieinanderstehn
mit schlenkernden Armen.
Der Vater die Uniform,
der Sohn mit den Rastazöpfen.
Der Vater im Rucksack Preußen,
der Sohn auf dem Surfbrett
zur Mündung der Flüsse hinaus.
Der Vater auf Reisen,
der Sohn die innere Emigration.
Der Vater die Briefe,
der Sohn schweigt.
Vater, ders locker nimmt,
Sohn zu dem Herzen.
Einander Kampf ohne Regel,
ernster als auf dem Spielplatz je,
länger als lebenslang.
Nie sterben die Väter,
hört man, seit Ohren sind,
und selten leben die Söhne.

 

 
Uwe Kolbe (Oost-Berlijn, 17 oktober 1957)
Berlijn

 

De Duitse schrijver Siegfried Lenz werd op 17 maart 1926 in Lyck, in de landstreek Masuren in Oostpruisen geboren. Zie ook alle tags voor Siegfried Lenz op dit blog.

Uit: Arnes Nachlaß

„Unten, am leicht geriffelten Wasser, wo sie einen rostigen Griechen abwrackten, bissen sich Schneidbrenner durch die zerschrammte Bordwand, trennten, unter spritzendem Funkenregen, Platte um Platte heraus. Wie leicht sich alles ergibt und anbietet, wie nah und gegenwärtig es ist: die Abwrackerwerft, wir, unsere Erwartung. So, wie du, Arne, von uns erwartet wurdest, wurde wohl niemand zuvor hier erwartet, so gespannt, so teilnahmsvoll, aber auch so skeptisch.
Wiebke sah ihn zuerst, und wenn auch nicht seine Erscheinung, so doch den alten grauen VW, in dem sie Arne zu uns brachten. Meine Schwester legte das Birnengehäuse auf die Fensterbank und deutete zum Werfttor und zur Straße hinüber, von woher ein Auto sich näherte, langsam, ruckelnd, als suchte es sich seinen Weg zwischen den Hügeln ausgeweideter Schiffsteile; es verfuhr sich, verschwand für einen Augenblick hinter getürmten Rohrleitungen, tauchte vor der Schlosser-Werkstatt auf und fand dann zwangsläufig zu dem geräumigen hölzernen Schuppen, dessen eine Hälfte als Kontor diente. Das muß er sein, flüsterte Wiebke. Bevor er sich vom Rücksitz herauszwängte, stiegen zunächst aber ein gedrungener bärtiger Mann und eine hochgewachsene Frau aus, die durch das Fenster ins Kontor hineinlinsten und, in der Gewißheit, daß sie ihr Ziel erreicht hatten, gleich mit dem Ausladen einiger Sachen begannen.
Und dann sahen wir ihn, endlich kletterte er heraus und stand nur ergeben da, ein schmächtiger Junge, der zu frieren schien und der darauf wartete, Anweisungen zu erhalten. Ohne den Blick zu heben, ließ er sich von dem Mann einen Rucksack umhängen, faßte den Griff eines Köfferchens, das ihm gereicht wurde, blieb geduldig stehen, während da noch ein Beutel und ein sperriger Kasten ausgeladen wurden, und erst als die Frau ihm übers Haar wischte, sah er auf. Jetzt entdeckte er wohl in der Höhe den Schwenkarm des Krans, an dem eine riesige Schiffsschraube schwebte, und an diesen Anblick verloren, übersah er die ausgestreckte Hand der Frau. Sie mußte zufassen. Sie zog ihn mit sich. Alle drei verschwanden im Kontor meines Vaters.“

 

 
Siegfried Lenz (17 maart 1926 – 7 oktober 2014)
Hier met de literatuurcriticus Marcel Reich-Ranicki (rechts)

 

De Duitse schrijver Thomas Melle werd geboren op 17 maart 1975 in Bonn. Zie ook alle tags voor Thomas Melle op dit blog.

Uit: Sickster

„Er schreckte zusammen und jaulte auf. Der Schmerz war grell, nein, scharf und schnell. Ein Pfeifen setzte ein, laut, aufdringlich. Hendrik war auch erschrocken, feuerte aber sofort eine ganze Salve in die Luft, um das Missgeschick zu vertuschen, um den Fehlschuss wieder seinem Willen unterzuordnen, in die Reihe des Vorhergesehenen. Er fragte schnell, ob alles in Ordnung sei, und Magnus nickte, die Hand aufs Ohr gepresst. «Ist gleich wieder vorbei», sagte er, «pass aber auf, verdammt, das war zu nah.»
Namhafte und bestimmt amerikanische Wissenschaftler haben sich über die Hirnhälften Gedanken gemacht. Die linke Hirnhälfte gilt ihnen, überspitzt gesagt, als naive Buchhalterin; die rechte als fiebrige Verschwörungstheoretikerin. Links: werden einfache Regeln und Strukturen prozessiert, Unregelmäßigkeiten als Zufall verbucht. Rechts: leckt die Zwillingsschwester Blut. Geht ab in Assoziationen und Träumen, arbeitet sprunghaft, spürt Pfade auf, die nicht offen zutage treten, findet Zusammenhänge von Einzeldingen, die beliebig nebeneinander liegen. Koinzidenz? Schicksal! Anders gesagt: Während das Ursache-Wirkung-Schema in der linken Buchhaltung des Hirnes heimisch ist und dort dafür Sorge trägt, die Welt aufs Anschaulichste zu simplifizieren, entspringen genialischere Theorien wie etwa das dritte Gesetz der Thermodynamik, der Da-Vinci-Code oder die Chaostheorie der tendenziell paranoiden rechten Hirnhälfte.
Nun sind die beiden Hirnhälften — seltsames Spiegelspiel des Lebens — bekanntlich für die jeweils entgegengesetzte Körperseite zuständig. Verschwörungstheoretiker drehen sich deshalb vorzugsweise um die linke Schulter, wenn sie von hinten angesprochen werden. Was nun aber, wenn ein hartnäckiger Tinnitus im linken Ohr die rechte, assoziationssüchtige Hirnhälfte jahrelang unter einen subliminalen Strom setzte? Würden namhafte und amerikanische Wissenschaftler in so einem Fall auftretende psychopathologische Störungen ursächlich auf diesen psychosomatischen Druck zurückführen? Wäre das der stete Tropfen, der den Verstand aushöhlt? Käme dann der eine zu laute Bass in jener verrauschten Clubnacht, poetisch gesprochen, einem pathologischen Urknall gleich? Als Schöpfungsmythos der zentrifugalen Psychose, die, als innere Strahlung schon Jahre unterwegs, irgendwann die äußeren Ränder des Nervensystems erreichte?
Mit der Folge: gravitative Instabilität, Kollaps der Materie, ergo des Bewusstseins. Nennen wir es Neuralgie.”

 

 
Thomas Melle (Bonn, 17 maart 1975)

 

De Nederlandse dichter Rense Sinkgraven werd op 17 maart 1965 geboren in het Friese Sint Jacobiparochie. Zie ook alle tags voor Rense Sinkgraven op dit blog.

 

Geen God

Wij botsten, jij viel,
een vorm van gerechtigheid.
Onder de fiets lag je breekbaar
als een vader, wat weet jij nou?
Dat de aarde plat is, dat God
bestaat, de schepping prachtig is.
Wij vragen om genade.
Zeker zal de dood komen en dan?
Dan denk ik aan je ogen, je bruine
ogen, ik ben het vader.
Hoe je licht gebogen – loop
toch rechtop – naast me gaat
en me uitzwaait. Wees niet bang.
Wees niet bevreesd.

 

De wielewaal

De wielewaalflat
doet in niets denken
aan de wielewaal.
De wielewaal is geen
volièrevogel. Hier fleemt
de aftandse kanariepiet.
Wat reikt naar hemel
treft afgrond. Wie reikt
naar sterren woont niet
in de wielewaalflat.
Hier klinkt
geen wielewaaltaal.
Verboden te parkeren.
Privé-terrein.
Parkeren alleen
toegestaan voor bewoners
wielewaalflat.
Geen ruimteschepen.

Grondig verlangen naar
diepe voren. Tractoren.
Fluitend ploegen tot in
vergezicht.

 


Rense Sinkgraven (Sint Jacobiparochie, 17 maart 1965)

 

De Franse schrijver Hafid Aggoune werd geboren op 17 maart 1973 in Saint-Etienne. Zie ook alle tags voor Hafid Aggoune op dit blog.

Uit: Premières heures au paradis 

“Notre histoire était aussi parfaite que cette journée particulière où je te quittai, et comme tu l’apprendras ici, en quelques mois ma vie a changé à un point que personne ne peut imaginer.
Ce beau jour ce mai, j’ai ouvert la porte et je suis parti sous un ciel bleu. Les ténèbres envahissaient mon crâne.
Des jours de silence ont suivi, un long purgatoire vers l’oubli, l’attente d’une délivrance définitive.
Je ne savais pas si tu allais me comprendre, m’attendre, garder précieusement ce qui commençait de naitre en toi. Je ne pensais qu’à mes pas m’éloignant de toi, de l’avenir, de nous. Je voulais le vide, être seul avec le monde, disparaïtre.
L’écriture et la vie que tu portais tiendraient ton coeur hors d’atteinte du désespoir. De cela, j’étais sûr.
Dès mon départ, je suis resté des heures à contempler le ciel sombre qui se déchirait à l’intérieur, des heures à tout me repasser, à l’image d’un vieux film inépuisable, où un ralenti est un rêve venant se poser sur la réalité présente, un moment où l’éternité, le drame et la beauté deviennent palpables, des morceaux d’enfer et de paradis visibles à l’oeil nu.
Aujourd’hui, au bord d’un océan tant de fois rêvé, tout m’apparaît, les vivants et les morts de ma vie, et toi, qui sait dompter les comètes, remonter le temps, donner la vie de ta seule pensée autant que de ton corps.
Pieds nus, je peux sentir la chaleur du sable s’atténuer lorsque j’approche des langues d’eau. La fraîcheur soudaine de l’océan touche les talons et remonte à l’échine, traverse le cerveau, illumine les résidus d’idées sombres, éteint définitivement le reste de mes peurs. Je longe la côte sans me retourner sur l’origine de l’ombre haute formée par la falaise et l’étrange bâtisse où se mêlent bois , métal, béton, verre, trace géante qui a diminué à chaque pas en avant.
Très vite, la musique et les voix se sont perdues dans les rouleaux du Pacifique.
Je ferme les yeux pour voir. Il n’y a que moi, le vent et cette lumière sauvage de fin d’après-midi. La poussière vole sous mon crâne, excite la lumière des souvenirs.”

 


Hafid Aggoune (Saint-Etienne, 17 maart 1973)

 

De Nederlandse schrijver Marco Kamphuis werd geboren in Uden op 17 maart 1966. Zie ook alle tags voor Marco Kamphuis op dit blog.

Uit: Havik

“Anil en Mira Chandra hadden bij wijze van hoge uitzonde-ring samen een spreekbeurt mogen houden, over Suriname. Ze waren vorig jaar bij ons in de klas gekomen. Het leek me dat ze zich instinctief aangetrokken zouden voelen tot Sonny Pat-tinama, maar er was niets dat op bijzondere sympathie tussen Hindoestanen en Molukkers wees. Anil en Mira stonden me een beetje tegen, hun kleren waren smoezelig en ouderwets, en er hing een aparte geur om hen heen, maar omdat ik wist dat je medelijden moest hebben met mensen die buiten hun schuld in een ver land geboren waren, behandelde ik hen al-tijd vriendelijk. Ze waren heel ijverig en gezagsgetrouw. Hun spreekbeurt was saai – er werd in Suriname veel rijst ver-bouwd –, maar we hadden er toch een zeven voor overgehad.Week na week kwam mijn eigen spreekbeurt dichterbij. Ik zou het natuurlijk over vogels hebben, maar welke vogels? Het zou logisch zijn om voor de havik te kiezen. De havik fasci-neerde me, ik had veel over hem gelezen, ik wist er eigenlijk alles van, en het was mijn liefste wens er ooit een in het echt te zien. Ik zou met gemak tien minuten over de havik kunnen praten, maar onvermijdelijk zou iemand zijn hand opsteken en vragen of ik zelf wel eens een havik had gezien, en ik begreep dat die vraag de bodem onder mijn spreekbeurt weg zou slaan. Uiteindelijk besloot ik het te hebben over vogels die iedereen in zijn eigen tuin kon observeren: de merel, het roodborstje en de huismus. Ik zou mijn poster met illustraties van H.J. Slijper meenemen, en mijn grammofoonplaat met vogelgelui-den, die ik van tante Kristien voor mijn elfde verjaardag had gekregen en die ik thuis, wanneer Anna me gunstig gezind was, mocht afspelen op haar gele Philips pick-up, waarvan het deksel meteen ook de luidspreker was. Ik had een balpen die als een antenne uitschuifbaar was en dus als aanwijsstok gebruikt kon worden, daarmee zou ik de vogelsoorten op de poster aanwijzen.”

 


Marco Kamphuis (Uden, 17 maart 1966)

 

De Vlaamse dichter, publicist, kunstcriticus, tekstschrijver en beeldend kunstenaar Nikolaas Jan Karel (Nic) van Bruggen werd geboren in Merksem op 17 maart 1938. Zie ook alle tags voor Nic van Bruggen op dit blog.

 

De spiegel

Zij knoeit wat aan haar taille
Met in haar vingers kneedbaar
Mijn slijtage, mijn vermoeide vrede.
Aan het raam slaapt het water,
Het lover, de vogels van het voorjaar.

In het ijs van de spiegel is haar gelaat
De laaiende tatouage van vers verdriet,
Veelzijdige extase en vervaagd verval.
In het ovale kader herkent de herinnering
Het heimwee, heeft elke zonde zijn trots
Nog: triest als een orakel of tango.

De lakens lui als traaggetrokken messen,
Het gevecht vermijdend. Met een glimlach
Geliefde troost, of een toren ontucht.
Op het tapis plein, naar het bed,
Stapt zij zo zacht dat ik denk:
Het einde is nabij. En onbeslapen.

(Op het gazon de dauw doorschoten eikels.
In de vazen de rozen nu. Hun luchtjes
Tergend in tapijten, dekens en gordijnen.)

 

De kastanjelaan

Wat in de kastanjelaan aan mij moest gebeuren,
Gebeurde eerder. Het onvergelijkelijk allerlei
Van heimwee naar ’n nog ouder, doder jaargetij.
Zo betast ik schors nu, in de muur de scheuren.

Zo zoek ik de woorden van dit tevergeefse wee
Waarin het altijd denken aan oproerig sterven
Mijn angst berijdt, en mijn schuldig bederven
Der tristesse- mon tourment et ma félicité.

Aldus, in dit deugdzaam geduld van leven,
Deze spiegel van bestoft verdriet en tederheid,
Dit halsstarrig bekennen, dit verbijtend vergeven.

En zowaar, in de trieste handen van mijn tijd
Slijt zich mijn zwijgend, vertwijfeld begeven
Aan ’t polijsten van mijn lichaam, eenzaamheid.

 


Nic van Bruggen (17 maart 1938 – 14 juli 1991)

 

Zie voor nog meer schrijvers van de 17e maart ook mijn twee blogs van 17 maart 2018.

Siegfried Lenz, Thomas Melle, Rense Sinkgraven, Hafid Aggoune, Hans Wollschläger, William Ford Gibson

De Duitse schrijver Siegfried Lenz werd op 17 maart 1926 in Lyck, in de landstreek Masuren in Oostpruisen geboren. Zie ook alle tags voor Siegfried Lenz op dit blog.

Uit: Arnes Nachlaß

„Sie beauftragten mich, Arnes Nachlaß einzupakken. Einen ganzen Monat ließen sie verstreichen -einen Monat der Ratlosigkeit und der verzweifelten Hoffnung -, bis sie mich an einem Abend fragten, ob es nicht doch an der Zeit sei, seinen Nachlaß einzusammeln und zu verstauen, und so, wie meine Eltern das fragten, mußte ich es als Auftrag verstehen. ich versprach nichts; schweigend aß ich mein Abendbrot zu Ende, rauchte zum letzten Glas Bier eine Zigarette, dann stieg ich hinauf in mein Zimmer, das ich so lange mit Arne geteilt hatte, setzte mich auf seinen Hocker und brauchte eine Weile, ehe ich mich entschloß, sein ramponiertes Köfferchen vom benachbarten Boden zu holen und den Karton, den er damals mitbrachte. Ich hob den Deckel vom Karton, ich öffnete das Köfferchen, und während ich den Blick wandern ließ zu den offen daliegenden Sachen, die ihm gehörten, glaubte ich auf einmal, Arnes Anwesenheit zu spüren, und hatte das Gefühl, daß er mich, wie so manches Mal, dringend und fragend ansah. Vor mir lag seine finnische Grammatik – ich rührte sie nicht an; in Reichweite, als Heftbeschwerer, glänzte der von Schmutzfäden durchzogene kleine Messingbarren – ich nahm ihn nicht in die Hand; ich löste nicht die kolorierte Karte des Bottnischen Meerbusens von der Wand, die er in Augenhöhe angepinnt hatte, und ich scheute mich, das Brett mit den Schiffsknoten aufzunehmen und in den Kanon zu legen. Ach, Arne, an diesem Abend brachte ich es anfangs nicht fertig, deine Hinterlassenschaft einfach einzusammeln und still wegzuräumen und für unbestimmte Zeit in die ewige Dämmerung des Bodens zu verbannen. Zuviel kam da herauf und bot sich an, jedes Ding bezeugte etwas, gab etwas preis, wie von selbst stiftete es dazu an, Vergangen-heit zum Reden zu bringen. Ein Blick auf den kleinen, aus Holz geschnitzten und rotweiß gelackten Modell-Leuchtturm, und unwillkürlich belebte und vertiefte sich Erinnerung, ein Fenster öffnete sich, wieder herrschte Hafenwinter, ein verhangener Tag mit beißender Klammheit, der Tag, an dem Arne zu uns gebracht wurde. Wir aßen Birnen. An jenem Wintertag hingen wir erwartungsvoll am Fenster und aßen südafrikanische Tafelbirnen, die einer von Vaters Leuten in einem der Fruchtschuppen ergattert hatte, drüben im Freihafen. Kauend blickten wir auf den abschüssigen, unter Schnee liegenden Werftplatz, über den ausgetretene Wege hinliefen — von den Werkstätten zum Kontor, von den Schuppen zu den beiden Kränen —, schmutzige Wege, in denen Pfützen von Schmelzwasser schimmerten. Alles trug weiße Kappen: die verbrauchten Kolben und Wellen, die alten Anker und die ausgedienten Schiffsmasten und auch der Falltumn, in dem die Kugel herabsauste und den Schrott zu Barren zurechthämmerte, waren weiß bemützt.“

 

 
Siegfried Lenz (17 maart 1926 – 7 oktober 2014)
Cover

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Siegfried Lenz, Thomas Melle, Hans Wollschläger, Rense Sinkgraven, Hafid Aggoune, William Gibson, Patrick Hamilton, Karl Gutzkow, Jean Ingelow

De Duitse schrijver Siegfried Lenz werd op 17 maart 1926 in Lyck, in de landstreek Masuren in Oostpruisen geboren. Zie ook alle tags voor Siegfried Lenz op dit blog.

Uit: Der Überläufer

„In Prowursk bekam die kleine Lokomotive zu trinken. Ein eiserner Rüssel wurde über ihren glühenden Körper geschwenkt, ein Handrad gedreht, und dann schoß ein dicker Wasserstrahl in ihre geöffnete Flanke. Proska hörte das Rauschen des Wassers und trat an das zerbrochene Abteilfenster. Ein winziges, weißes Stations-häuschen, das auf der Stirn eine Nummer trug, ein ver-wahrloster Bahnsteig, zwei Holzstapel; mehr konnte er nicht entdecken, denn das Dorf selbst lag eine gute halbe Stunde von der Station entfernt hinter einem Laubwald. Vor dem Zug patrouillierte ein Posten. Er hatte sich, da es heiß war, den Kragen aufgeknöpft. Ober dem Rük-ken trug er ein Sturmgewehr mit der gleichen Selbstver-ständlichkeit wie eine afrikanische Mutter ihren Säugling. Wenn er das Ende der Kleinbahn, die aus der Lokomo-tive, einem Verpflegungs- und einem Postwagen bestand, erreicht hatte, machte er, ohne den Kopf zu heben, kehrt und latschte zurück. Das wiederholte sich einige Male. Die Landschaft machte den Eindruck einer riesigen, ver-lassenen Feuerstelle; kein Wind, »Bis wir weiterfahren!« »Ich glaube. die Lokomotive braucht nur Wasser.« »So«. sagte der Posten mürrisch. »braucht sie das?« Plötzlich hob er den Kopf und blickte den Lehmweg hinunter, der nach Prowursk führte. Proska sah, am Fenster stehend, in die gleiche Richtung und entdeckte ein Mäd-chen, das zum Zug herüberwinkte und sich rasch näherte. Sie trug ein laubgrünes Kleidchen und einen breiten Gür-tel um die Taille, die schmal war wie ein Stundenglas. Mit schnellen Schritten kam sie auf den Bahnsteig und ging geradewegs auf den Posten zu. Sie hatte mattglänzendes rotes Haar, ein kurzes Näschen und grünblaue Augen. Ihre Füße steckten in braunen Stoffschuhen. »Was wollen Sie?« brummte der Posten und starrte auf ihre nackten Beine. »Herr Soldat …«, sagte sie und zitterte. Sie setzte einen irdenen Krug ab und legte einen zusammengefalteten Regenmantel darauf. »Haben Sie Milch in dem Krug oder Wasser?« Sie schüttelte den Kopf und strich sich das Haar zu-rück. Proska bewunderte das Profil ihrer Brüste. »Wahrscheinlich wollen Sie mitfahren?« fragte der Posten. »Ja, ein kleines Stück. Bis zu den Rokitno-Sümpfen. Ich kann Ihnen Geld geben dafür oder …« »Verschwinden Sie, aber schnell! Wir dürfen nieman-den mitnehmen. Das müßten Sie doch eigentlich wissen. Haben Sie mich nicht schon einmal danach gefragt?!« »Nein, Herr.«

 

 
Siegfried Lenz (17 maart 1926 – 7 oktober 2014)
Hier met Günter Grass (links)

Lees verder “Siegfried Lenz, Thomas Melle, Hans Wollschläger, Rense Sinkgraven, Hafid Aggoune, William Gibson, Patrick Hamilton, Karl Gutzkow, Jean Ingelow”

Siegfried Lenz, Thomas Melle, Hans Wollschläger, Hafid Aggoune, Rense Sinkgraven, William Gibson, Patrick Hamilton, Karl Gutzkow

De Duitse schrijver Siegfried Lenz werd op 17 maart 1926 in Lyck, in de landstreek Masuren in Oostpruisen geboren. Zie ook alle tags voor Siegfried Lenz op dit blog.

Uit: Deutschstunde

„Aber hinter der für tat sich, je länger wir dorthin blickten, doch etwas, der Glutklumpen einer Zigarette wurde da hinter der schmalen Milchglasscheibe sichtbar, ein Räuspern war zu hören, und während Per Arne Scheßel sich zu einer kargen, aber immer noch einladenden Geste bereitfand, trat endlich Asmus Asmussen ein, Autor des Buches »Meeresleuchten« und Ehrenvorsitzender des Glüseruper Heimatvereins. Obwohl er in Marineuniform, als Stabsobergefreiter eintrat, wurde er sofort erkannt, mit Rufen und Beifall begrüßt, worauf er leger, doch militärisch zurückgrüßte und die Zigarette ausdrückte. Der Schöpfer von Timm und Tine, der bei uns ziemlich populären Figuren aus dem »Meeresleuchten« – beide hatten sich, wenn ich mich nicht täusche, durch eine Flaschenpost kennengelernt, fanden diesen Austausch so ergiebig, dass sie auch als Verlobte und Verheiratete Flaschenpost wechselten, trieben das Spiel unermüdlich weiter, hielten die Flaschenpost auch noch in hohem Alter für die schönste, jedenfalls sparsamste Art der Mitteilung und gaben somit ihrem Autor die Möglichkeit, lange nach ihrem Tode immer noch an entlegenen Stränden verkorkte Post zu entdecken, mit der zeilenschindend bekenntnishafte Neuigkeiten von Timm und Tine nachgeliefert wurden.
Also dieser Asmus Asmussen, der auf einem Vorpostenboot in der Nordsee Dienst tat, war auf einen Kurzurlaub von Bremerhaven heraufgekommen. Fr war ein säbelbeiniger Mann mit starkem, gewissermaßen lohendem Haarwuchs, seine Halsmuskeln waren erschreckend ausgebildet wie bei einem Gewichtheber, der Blick beherrschte alle Spielarten zwischen kühn und gütig, und man hätte sich ihn nicht ohne weiteres als Schöpfer von Timm und Tine vorstellen können, wenn da nicht sein aufschlussreicher Mund gewesen wäre, ein empfindsamer, rundlicher Pfennigmund, will ich mal sagen. Der Mund verriet ihn. Geschickt zog er sich die Matrosenmütze mit den langen Bändern vom Kopf, hielt sie vorschriftsmäßig. Kokarde und Adler nach vorn, unterm Arm und ließ sich von meinem Großvater willkommen heißen. Er nickte fast zu jedem Satz des Willkommens. Er schien einverstanden damit, dass Per Arne Scheßel ihn zunächst einen intimen Kenner der Heimat nannte, dann einen wehrhaften Vorposten der Heimat, auch erhob er keine Einwände, als man in ihm den Gestalter von einheimischem Schicksal und schließlich sogar das Gewissen von Glüserup begrüßte. Asmus Asmussen nickte nur, und er lächelte zustimmend, als mein Großvater das Thema des Abends bekanntgab, zu dem ein Berufener sich äußern werde; das Thema hieß: »Meer und Heimat«; der Berufene: Asmus Asmussen. Darauf setzte sich mein Großvater.”

 

 
Siegfried Lenz (17 maart 1926 – 7 oktober 2014)

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Hafid Aggoune, Rense Sinkgraven, William Gibson, Siegfried Lenz, Patrick Hamilton, Jean Ingelow

De Franse schrijver Hafid Aggoune werd geboren op 17 maart 1973 in Saint-Etienne. Zie ook alle tags voor Hafid Aggoune op dit blog.

Uit: Premières heures au paradis 

“J’imagine ma mère le jour de ma naissance. Elle me tient dans ses bras et il y a cette odeur sur sa peau, mon seul vrai souvenir d’elle. Je la regarde sans la voir, je la sens, je la touche et j’ignore que ce corps, sept jours plus tard, ne reviendra plus pour des raisons qui m’ont longtemps échappé, ne donnant à l’enfant que son odeur d’huile d’argan, comme une ruine faite de vents, pierres aériennes ancrées dans mes entrailles.
J’imagine mon grand-père, Michel Cannan, seul dans sa cuisine, rivé à sa radio pour écouter une course qu’il n’entendra jamais.
Les larmes commencent à éclore sous les paupières, à former leur petit bloc compact au fond de la gorge, avant de percer, perles précieuses faites d’amertume, de joie et d’inquiétude. Quand elles sortent enfin, je les laisse glisser sur mes joues, avant que le vent californien ne les emporte.
Je ne sais plus si je suis sur le sol ou immergé, me fondant avec le plus grand espace du monde, entre terre et eau, remontant la côte, faisant mes adieux à mon enfance perdue, à une étrange adolescence, à tous les spectres de ma mélancolie, conscient, à trente-cinq ans, qu’il va falloir devenir un homme ou ne plus pouvoir se regarder en face.
Il y a bientôt neuf mois, quelques heures après avoir quitté notre appartement, j’ai repris la chambre de bonne du boulevard des Filles-du-Calvaire, celle où j’ai vécu en arrivant à Paris. Le logement avait fait partie du salaire de garçon au pair.
En revenant seul dans ce coin de la capitale, les rues m’avaient semblé encore plus familières. Les traces de Michel Cannan et de mon père flottaient sur certains noms de rues.
J’étais si troublé que certains souvenirs surgissaient. Des paroles oubliées remontaient à la surface.
Avant de sonner chez Mme Mila, la grand-mère du jeune Aurélien que j’avais gardé, j’ai parcouru un voisinage chargé de souvenirs vagues que je n’avais jamais pris le temps de fixer, les laissant glisser puis disparaître.
J’imaginais le père et le fils traverser les boulevards, fiers et beaux, poussés par l’envie de dévorer la ville entière.”

 

 
Hafid Aggoune (Saint-Etienne, 17 maart 1973)

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Uit: Premières heures au paradis 

“Je ne pensais qu’à mes pas m’éloignant de toi, de l’avenir, de nous. Je voulais le vide, être seul avec le monde, disparaître.
L’écriture et la vie que tu portais tiendraient ton cœur hors d’atteinte du désespoir. De cela, j’étais sûr.
Dès mon départ, je suis resté des heures à contempler le ciel sombre qui se déchirait à l’intérieur, des heures à tout me repasser, à l’image d’un vieux film inépuisable, où un ralenti est un rêve venant se poser sur la réalité présente, un moment où l’éternité, le drame et la beauté deviennent palpables, des morceaux d’enfer et de paradis visibles à l’œil nu.
Aujourd’hui, au bord d’un océan tant de fois rêvé, tout m’apparaît, les vivants et les morts de ma vie, et toi, qui sais dompter les comètes, remonter le temps, donner la vie de ta seule pensée autant que de ton corps.
Pieds nus, je peux sentir la chaleur du sable s’atténuer lorsque j’approche des langues d’eau. La fraîcheur soudaine de l’océan touche les talons et remonte à l’échine, traverse le cerveau, illumine les résidus d’idées sombres, éteint définitivement le reste de mes peurs.
Je longe la côte sans me retourner sur l’origine de l’ombre haute formée par la falaise et l’étrange bâtisse où se mêlent bois, métal, béton et verre, trace géante qui a diminué à chaque pas en avant. Très vite, la musique et les voix se sont perdues dans les rouleaux du Pacifique.
Je ferme les yeux pour voir. Il n’y a que moi, le vent et cette lumière sauvage de fin d’après-midi. La poussière vole sous mon crâne, excite la lumière des souvenirs.
J’imagine mon père avant ma naissance, quand il tenait la main de ma mère en regardant l’ombre de leur joli couple, désirant de toutes ses forces y voir celle d’un enfant apparaître. Quand ils allaient tous les dimanches se promener au bord de la Loire, au Pilat ou simplement aux abords de la maison de la culture qui surplombe Saint-Étienne, il savait qu’il aimait cette femme au beau prénom d’Yaâra au point d’imaginer l’incarnation de leur amour, la rêvant dans cette folle vision d’une silhouette supplémentaire tracée sur le sol, entre eux, évidente.“

 

 
Hafid Aggoune (Saint-Etienne, 17 maart 1973)

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Uit: Les avenirs

“Les années sont passées comme un seul jour. Je n’avais plus rien à faire sur l’île de ma mélancolie. Je suis sorti par le trou qu’un papillon aux ailes féeriques m’avait montré comme dans un conte.

(…)

Le temps remuait et s’avançait vers moi. Il était là depuis le début, sur la main du peintre, dans sa main tracée sur l’air, sans matière, flottante.
Quelque chose en moi suivait des couleurs invisibles.
Dans ce silence, c’est la vie qui, de l’infini le plus lointain, s’approchait de moi et, au passage, dérobait à la nuit des lambeaux d’étoiles comme des peaux mortes à la surface du soleil, comme l’amour et la douleur arrachent des copeaux de corps fossilisés par l’érosion durable de la mélancolie.
En secret, une part qui m’était étrangère me guidait vers le point de lumière, au-delà des pierres, la faille qui, un jour, s’ouvrirait pour ne plus se refermer. Au bord de la vie, elle sauvegardait mon dedans disponible à l’éveil.
Jour après jour, année après année, les décennies ont passé et je continuais de disparaître dans l’image du monde. Je m’engouffrais dans un reflet orphelin.
Je m’étais laissé tombé dans l’attente, livré à elle, donné à elle.”

 

Hafid Aggoune (Saint-Etienne, 17 maart 1973)

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Uit: Quelle nuit sommes-nous ?

“Je suis arrivé à Venise avec la totalité de mes livres et de mes vêtements, c’est-à-dire tout ce que je possède au monde et qui tient dans une valise et un long sac noir très lourd.
Très vite, je suis passé du siège de l’avion à un banc sur un vaporetto, approchant de la Giudecca au rythme du moteur, la fraîcheur de l’Adriatique me claquant au visage.
Je descends à Zitelle. De là, il faut traverser l’île par le calle Michel-Angelo et attendre.
Quatre personnes débarquent avec moi : deux hommes qui semblent rentrer du travail, une vieille femme et un enfant poussant un diable rempli de commissions.
Il suffit de prendre l’île dans sa largeur pour se retrouver de l’autre côté, dos à Venise.
La Giudecca est sans touriste.
L’île a d’abord été la terre d’exil des familles vénitiennes condamnées après le giudicato (jugement). Au Moyen âge, tous les juifs furent relégués ici, à l’écart. On leur a fait porter une marque distinctive, jaune.
Après la courte traversée de rues désertes, je me tiens debout sur le ponton, face à l’île de Sainte-Marie-des-Grâces.
J’attends.
Je sors un livre du sac noir qui en regorge, le premier qui vient, ouvert au hasard.
La page est un cliché en noir et blanc.
Un homme entouré d’objets nous regarde.
C’est l’atelier de Francis Bacon.

Ces choses éparses ressemblent à des fantômes l’accompagnant dans son quotidien. L’homme semble faire corps avec le chaos. Il appartient à son espace. Son art le compose, l’englobe. Il s’y noie comme l’alcool vous prend votre vie. C’est la passion. La peinture est son corps. Son corps est dans les tubes, prêt au cri sur la toile.
J’imagine toute cette poussière, la peau du temps sur le monde.”



Hafid Aggoune (
Saint-Etienne, 17 maart 1973)

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