De Franse schrijver, journalist en tekstschrijver Jacques Lanzmann werd geboren op 4 mei 1927 in Bois-Colombes. Zie ook alle tags voor Jacques Lanzmann op dit blog.
Uit: Le têtard
“J’avais quinze ans et je ne voulais pas mourir sans avoir fait l’amour et la Résistance, mais c’était bien plus facile de tuer un soldat allemand qu’une obsession sexuelle.
Il y avait soixante camions et je ne sais combien de bagnoles à gazogène pleins à ras bord de gars et de matériel. Les camions étaient poussifs, mais les poitrines cognaient si fort et les gorges sous les drapeaux chantaient tellement que les moteurs semblaient marcher à l’enthousiasme.
En traversant Vieille-Brioude réveillée par l’événement, j’ai aperçu les grands-parents qui se tenaient sur le pas de la porte. Anna et Léon, nés l’un en Lettonie, l’autre en Biélorussie, applaudissaient en Auvergnats cette longue colonne de maquisards motorisés qui transportaient leurs fils et leurs petits-fils, sang pogromisé et chair de victime, vers l’ultime étape de la francisation.
Moi, je m’étais toujours senti plus français que juif, mais aussi bien plus rouquin que français et juif. J’étais un rouquin-français-juif de parents divorcés-citadins transplanté-analphabète-et-paysan ; un vrai poil de carotte sans vraie famille, mais avec des familiers. Et, parmi les plus familiers, il y avait mon frère Claude, ma soeur Evelyne, le René et le Père Tavernier, la Mère Yvonne, le gars Bébette et la soeur de René Raymond. Dans le temps, il y avait eu ma mère : dans le présent, il y avait mon père. Mais, comme ils étaient séparés par les sentiments et l’Occupation, ça ne faisait pas une famille.
À Groutel, j’avais souffert de mes cheveux rouges, j’étais un dépigmenté, un poil de brique, un maudit petit rouquin qui avait pris le soleil à travers une passoire. À Melun, j’eus à faire face à ceux qui me reprochaient – et c’étaient généralement les mêmes -ma rouquinerie et ma juiverie. Chez les Bongrand, le poil avait de nouveau primé ; eux, ils ne savaient pas que j’étais juif, mais ils voyaient que j’étais rouge. Et, quand le Marcel ou l’Albert rentrant des champs s’attablaient en disant : «Dis donc, la mère, on se taperait bien un coup de rouquin», je me sentais visé et je l’étais.”
Jacques Lanzmann (4 mei 1927 – 21 juni 2006)
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