De Libanese (Franstalige) schrijver Amin Maalouf werd geboren in Beiroet, Libanon, op 25 februari 1949. Zie ook alle tags voor Amin Maalouf op dit blog.
Uit: Léon l’Africain
“J’avais ton âge, mon fils, et plus jamais je n’ai revu Grenade. Dieu n’a pas voulu que mon destin s’écrive tout entier en un seul livre, mais qu’il se déroule, vague après vague, au rythme des mers. À chaque traversée, il m’a délesté d’un avenir pour m ‘en prodiguer un autre ; sur chaque nouveau rivage, il a rattaché à mon nom celui d’une patrie délaissée.
D’Almeria à Melilla, en une journée et une nuit, mon existence a chaviré. La mer était clémente pourtant, et le vent docile, mais c’est dans le cœur des miens que grossissait la tempête.
Hamed le délivreur avait bien fait les choses, Dieu lui pardonne. Quand la côte d’Andalousie ne fut plus derrière nous qu’un mince filet de remords, une femme accourut vers notre coin de fuste, enjambant allègrement bagages et voyageurs. Sa démarche enjouée seyait mal à son accoutrement, des voiles si sombres, si épais, que nous aurions tous eu du mal à la reconnaître si Mariam n’avait été dans ses bras.
Les seuls cris de joie furent les miens et ceux de ma sœur. Mohamed et Warda étaient pétrifiés par l’émotion, ainsi que par les cent regards qui les assiégeaient. Quant à Salma, elle me serra un peu plus fort contre sa poitrine. À sa respiration retenue, à quelques soupirs échappés, je compris qu’elle souffrait. Ses larmes coulaient sans doute à l’abri de son voile, et ce n’était pas sans raison, puisque la passion débridée de mon père allait bientôt nous mener tous au bord de la déchéance .
Mohamed le peseur, si serein, et tout à coup si indomptable ! Il m’est arrivé de le perdre dans ma jeunesse, pour le retrouver dans mon âge mûr, quand il n’était plus là. Et j’ai dû attendre mes premiers cheveux blancs, mes premiers regrets, avant de me convaincre que tout homme, y compris mon père, avait le droit de faire fausse route s’il croyait poursuivre le bonheur.“
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